Strangers In The Night

Deux étrangers dans la nuit vivent une rencontre spontanée, hors du temps, un amour naît en une nuit comme une évidence. L’histoire est simple et presque cliché mais élégante, à l’image de Strangers In The Night, une mélodie composée en 1966 par Bert Kaempfert.

Ces quelques notes vous restent facilement en tête et on se surprend à esquisser un sourire mièvre en l’entendant. Elle semple facile, évidente et terriblement efficace. C’est Frank Sinatra qui a donné ses lettres de noblesse à cet air qui a été composé pour un film d’espionnage comique. Mais Sinatra détestait cette chanson, il répétait à qui voulait l’entendre que c’était « the worst fucking song » qu’il n’ait jamais entendue. Et pourtant il n’a jamais arrêté de la chanter.

Dans ce nouvel épisode, découvrez toute l’histoire de cette chanson si célèbre : comment s’est passé l’enregistrement de la version de Sinatra ? Comment ce morceau a inspiré des générations de crooners ?

Je ne m’attendais pas à découvrir des versions aussi différentes de ce morceau, mais la playlist de cette émission risque de vous surprendre : de Frank Sinatra à Ben L’Oncle Soul en passant par Wayne Newton et même en terminant avec de l’électro allemande…

Toutes les versions de l'episode

Frank Sinatra Strangers in The Night album

Frank Sinatra
Strangers In The Night (1966)

James Brown Getting Down To it

James Brown
Gettin' Down To It (1967)

Wayne Newton - Song Of The Year

Wayne Newton
Song Of The Year (1967)

Bette Midler Songs For The New Depression

Bette Midler
Songs For The New Depression
(1976)

Ben L'Oncle Soul - Under My Skin

Ben L'Oncle Soul
Under My Skin (2016)

Peter Baumann Strangers In The Night

Peter Baumann
Strangers In The Night (1983)

Ecoutez la playlist complète de l’épisode et des versions bonus depuis n’importe quelle plateforme de streaming :

Retranscription de l’episode 23 : Strangers In The Night

Strangers In The Night, deux étrangers dans la nuit vivent une rencontre spontanée, hors du temps, un amour naît en une nuit comme une évidence. L’histoire est simple et presque cliché mais élégante, à l’image de cette mélodie composée en 1966 par Bert Kaempfert, un compositeur allemand. Il est né à Hambourg, où il a appris la musique et a rapidement fondé son propre Big Band. On lui doit quelques autres titres connus comme Moon Over Naples ou encore L-O-V-E repris par Nat King Cole. Pour la petite histoire, Bert Kaempfert est celui qui a fourni aux Beatles leur tout premier contrat d’enregistrement. En 1962, il a invité les quatre jeunes anglais à Hambourg pour accompagner un certain Tony Sheridan. Après des années de galère, c’est le début de la gloire pour les Beatles, pour qui Hambourg est devenu la deuxième maison de leurs jeunes années.

Le succès de Bert Kaempfert comme compositeur et producteur lui vaut d’être courtisé par Hollywood, notamment pour le film « A Man Get Killed ». Il compose toute la bande originale de cette comédie. Le film s’ouvre sur cette mélodie, qui à l’époque s’appelle Beddy Eye.

*Beddy Eye – A Man Could Get Killed Soundtrack (1966)*

Le morceau était d’abord instrumental, et il n’a pas fallu longtemps pour la transformer en hit. Le film est sorti le 25 mars 1966 et Frank Sinatra enregistrait le 11 avril sa version. Je ne saurais trop vous dire qui a voulu transformer absolument cette mélodie en chanson. Sans doute un producteur bien inspiré qui a confié à deux paroliers le soin de s’en occuper, dont Eddie Snyder, qui avait déjà aidé Bert Kaempfert a composé le morceau. On écoute maintenant la version de The Voice : Frank Sinatra.

  1. Frank Sinatra – Strangers In The Night (1966)

Ce fameux « do di do be do » qui termine la chanson est devenu très célèbre. Dans la version originale on l’entendait très furtivement, mais dans les éditions plus récentes le decrescendo a été ralenti pour que l’on puisse en profiter quelques secondes de plus. Il paraît que ces quelques notes de scat ont inspiré le nom du chien Scoobidoo.

C’est drôle que cette version donne cette impression de nonchalance et de bonne humeur alors que l’enregistrement du morceau ne s’est pas du tout passé dans ces conditions… Frank Sinatra était un sacré caractère, et c’est un euphémisme. Il aimait travailler selon ses propres conditions. Il enregistrait systématiquement ses chansons en une seule prise, et il détestait que ceux qui l’entourent ne soient pas au niveau. Seulement, l’enregistrement de Strangers In The Night a été décidé très vite, et le guitariste n’était pas tout à fait au point, il l’a vite regretté en essuyant la fureur du crooner. Il a donc fallu une deuxième prise.

Sinatra est un excellent performer, capable de tirer tout le lyrisme de la chanson, et ce même alors qu’il la détestait, et il le faisait savoir. Il a fait des déclarations horribles sur cette chanson, il disait que c’était « the worst fucking song » qu’il ait jamais entendu, et des choses bien pires encore que je n’ose vous répéter. En concert, il lui est déjà arrivé d’introduire la chanson en disant « et maintenant voici une chanson que je ne supporte pas… mais tant pis ! »

Et en fait après plusieurs écoutes, une fois que le pouvoir séducteur de Sinatra se dissipe un peu, on entend effectivement une sorte de détachement dans sa performance. Au début je pensais que c’était une sorte de classe de crooner, de savoir déclamer des choses très romantiques avec ce ton très détaché. Maintenant, en sachant tout ça j’entends aussi une forme de cynisme qui en fait donne tout son caractère à cet enregistrement.

Pour comparer, on va maintenant écouter une version peut-être plus enjouée, avec celle de Wayne Newton. On l’appelle aussi Mr. Las Vegas, car c’est une véritable bête de scène, un animateur de grande classe pour les salles et les clubs les plus prestigieux. C’était un performeur très demandé, un de ces contrats prévoyaient six concerts par soir. Alors pour reposer sa voix, il a appris 13 instruments différents pour ajouter des cordes à son arc. C’est une véritable machine à chanter, et pourtant chacune de ses prestations est toujours marquée par la même fraîcheur, la même candeur qui est insufflée son grain de voix si particulier.

  1. Wayne Newton – Song Of The Year – Wayne Newton Style (1967)
  2. Ben L’Oncle Soul – Under My Skin (2016)

C’était un tout autre genre de crooner. En 2010, il a fait bouger la France entière avec sa voix de velours et un tube entêtant. C’est un super-héros musical, pas celui que l’on méritait mais celui dont nous avions besoin. Son nom : Benjamin Duterde, plus connu sous le nom de Ben l’Oncle Soul, the Soulman. Il a réussi l’exploit de remettre la Soul des années 60 au premier plan du paysage musical français, ce qui était loin d’être gagné en 2010. Son succès a été fulgurant : victoire de la musique et triple disque de platine. La suite de sa carrière est plus confidentielle mais loin d’être inintéressante. Pour des raisons personnelles il s’est éloigné quelques temps de la musique, avant de sortir en 2016 un troisième album très différent de son début de carrière. Lui qui était chez Motown, il publie chez Blue Note un album de reprises de Sinatra.

Après ce grand saut dans le temps, retournons dans les années 60 pour continuer à retracer l’histoire des reprises de Strangers In The Night. Lorsqu’on écoute une chanson de Frank Sinatra, j’aime bien confronter sa version à celles d’autres crooners et cette fois j’ai trouvé une belle comparaison avec celle de James Brown. Avec Sinatra, il semble que tout les oppose et pourtant le temps d’une chanson les voilà rassemblés. Mais si Frank Sinatra parvient à véhiculer des émotions malgré son cynisme et toute la haine qu’il porte à cette chanson, James Brown lui, ne sait pas tricher. Avec lui c’est tout ou rien, il se lance dans chaque chanson corps et âme. Et si le début reste fidèle à la retenue de la ballade, James Brown emmène rapidement son auditoire dans une autre dimension.

  1. James Brown – Gettin’ Down To It (1967)
  2. Bette Midler – Songs For The New Depression (1976)

Je n’ai pas pu m’empêcher de glisser cette petite touche disco dans la sélection. C’était Bette Midler, une actrice et chanteuse américaine à la carrière prolifique, autant derrière un micro que devant une caméra. Elle se réapproprie le fameux do be do be do selon les codes de l’époque. Cette version est tirée de son troisième album solo, « Songs For The New Depression », sorti en 1976 chez Atlantic Records.

Elle nous mène tout droit vers la fin de l’émission, et je dois avouer que j’ai hâte de présenter la dernière version, qui sera du jamais entendu dans Version Standard.

Merci d’avoir écouté cet épisode, j’espère qu’il vous a plu. Vous pouvez retrouver tous les épisodes et les liens du podcast sur VersionStandard.fr. N’hésitez pas à vous abonner sur les réseaux sociaux ou sur votre application de podcast pour ne rien rater des prochains épisodes. Et si ça vous a plu vous pouvez partager l’émission, ou tout simplement mettre 5 étoiles sur iTunes.

Passons maintenant à la dernière version. Il s’agit d’une reprise de 1983 par Peter Baumann. Il est connu pour avoir intégré Tangerine Dream, un célèbre groupe allemand de musique électronique. Le berlinois a ensuite poursuivi une courte carrière solo, durant laquelle il nous a gratifié de sa propre réappropriation de Strangers In The Night, sous l’influence de Kraftwerk et de la nouvelle vague électronique allemande. Je suis très content d’avoir enfin l’occasion de passer ce genre de musique dans Version Standard. Je vous invite par ailleurs à aller regarder le clip sur Youtube, vous ne serez pas déçu… Je vous laisse donc avec cette dernière version, c’était Version Standard, à très bientôt !

  1. Peter Baumann – Strangers In The Night (1983)

 

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