L’attrait pour la Roumanie grandit chez les voyageurs français, fascinés par ses paysages et ses prix contenus. Mais sur le terrain, des collectivités et des habitants s’organisent pour canaliser cette nouvelle vague. Entre enthousiasme touristique et volonté de préserver l’authenticité, un équilibre reste à trouver.
Une destination qui coche (presque) toutes les cases
Au cœur des Carpates, les vallées verdoyantes et les villages en bois charment par leur simplicité. Le littoral de la mer Noire et les cités médiévales comme Sibiu ou Brașov séduisent, loin des foules de la Méditerranée.
Le coût de la vie, sensiblement inférieur à celui de la France, pèse dans la balance. Entre repas à prix doux, hébergements abordables et transports accessibles, le calcul est vite fait. Dans les grandes villes, l’anglais — et parfois le français — facilite les échanges avec les locaux.
“En une semaine, on a combiné rando en montagne, gastronomie locale et visites historiques sans exploser le budget. C’est dépaysant et authentique”, confie Camille, trentenaire parisienne revenue de Transylvanie.
Quand l’afflux bouscule les équilibres
Le succès s’accompagne de tensions, notamment dans les régions restées longtemps préservées. Maramureș, Transylvanie et l’arrière-pays de Sibiu voient affluer des voyageurs amateurs de nature, de folklore et de photo.
Une part des habitants alerte sur des effets collatéraux. Montée des loyers, multiplication des locations de courte durée, pression sur les sentiers, et transformation des centres historiques en décors éphémères. Pour certains, le tourisme “rapide” ne laisse que peu de retombées locales.
Les autorités locales redoutent une trajectoire à la Barcelone, avec un accueil qui se tend. D’où l’idée de réguler, avant que la méfiance ne s’installe et que la qualité de vie ne se dégrade.
Des outils pour ralentir sans fermer
Plusieurs communes testent des mesures pensées pour protéger les lieux les plus fragiles. Il ne s’agit pas de fermer la porte, mais de mieux orienter et d’étaler les flux.
- Taxes de séjour renforcées, quotas sur les locations saisonnières et création de zones naturelles à accès limité, accompagnées de campagnes de sensibilisation multilingues pour encourager un comportement responsable et des achats réellement locaux, de l’artisanat aux petites auberges familiales.
“On veut éviter le rejet brutal que l’on a vu ailleurs en Europe. Réguler aujourd’hui, c’est préserver l’attrait de demain, pour les visiteurs comme pour les riverains”, souffle Andrei, élu d’une commune proche de Sibiu.
Ces dispositifs restent encore modestes, mais ils tracent un cadre clair. L’objectif: répartir les visites sur l’année, privilégier des séjours plus longs et encourager un tourisme qui finance la conservation.
Pourquoi l’engouement persiste
Le différentiel de prix demeure l’argument numéro un. Entre repas à moins de dix euros, hôtels soignés sous la barre des soixante euros et activités en pleine nature, l’offre reste imbattable pour beaucoup de budgets.
S’ajoutent les vols directs depuis Paris, Lyon ou Marseille, et une scène culturelle en plein renouveau. Festivals, musées réinventés, cuisine qui marie terroir paysan et influences urbaines: la curiosité française trouve matière à explorer.
La promesse d’une Europe proche et pourtant différente nourrit le désir d’ailleurs. Des forêts de Transylvanie aux monastères de Bucovine, l’imaginaire se mêle à une hospitalité souvent chaleureuse, quand les rencontres ne se résument pas à quelques selfies.
Vers un tourisme plus respectueux
Le défi consiste à faire cohabiter le besoin de développement et la protection des héritages. Miser sur des itinéraires ferroviaires, des mobilités douces et des séjours plus lents peut réduire l’empreinte des visites.
Un partage des bénéfices plus équitable — via les marchés, l’artisanat et l’hébergement chez l’habitant — renforce l’acceptation locale. À l’inverse, un modèle centré sur des passages éclair et des plateformes impersonnelles creuse la fracture.
La Roumanie cherche son chemin, entre ouverture et préservation. Si la demande française reste forte, la capacité à encadrer les flux déterminera la qualité de l’expérience, ici comme dans d’autres régions d’Europe encore préservées, mais de moins en moins secrètes.
