Song For My Father

Je profite de la Fête des Pères pour consacrer ce 17ème épisode à un standard tout à fait dans le thème : Song For My Father. En 1964, Horace Silver rend hommage à son père avec cette composition, qui prendra également le nom de son album qui sera le plus vendu !

Song For My Father est un monument du Jazz, un tournant du courant hard-bop, dont Horace Silver est le leader. Sa composition mêle différentes inspirations : un rythme de bossa nova qu’il ramène de son voyage au Brésil, et une mélodie qu’il emprunte à ses souvenirs d’enfance : une très ancienne mélodie de musique traditionnelle capverdienne.

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Toutes les versions de l'episode

Horace Silver Song For My Father

Horace Silver
Song For My Father
(1964)

James Brown Plays James Brown

James Brown
James Brown Plays James Brown Today & Yesterday (1965)

Leon Thomas Spirits Known And Unknown

Leon Thomas
Spirits Known And Unknown (1969)

Dee Dee Bridgewater Love & Peace

Dee Dee Bridgewater
Love And Peace:
A Tribute To Horace Silver (1995)

Louis Hayes
(feat. Gregory Porter)

Serenade For Horace (2017)

Victor Wooten Palmystery

Victor Wooten
Palmystery (2008)

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Retranscription de l’episode 17 : Song For My Father

Bonjour et bienvenue dans cet épisode de Version Standard, le 17ème depuis le début de l’émission. Aujourd’hui nous allons écouter et raconter un grand morceau de l’histoire du Jazz, et par la même occasion nous allons fêter une grande occasion, c’était il y a quelques jours la fête des pères. Cet épisode sort un peu plus d’une semaine après le 17 juin 2018, mais c’est la magie du podcast, il est complètement intemporel. Ce n’est peut-être qu’une bonne excuse, enfin peu importe, je souhaite une très bonne fête à tous les papas, et en particulier au mien, qui écoute tous les épisodes et me donne toujours de bons conseils. Bonne fête Papa !

Notre standard du jour a été composé par Horace Silver en 1964 : Song For My Father. Le titre ne peut pas être plus clair, le célèbre pianiste de Jazz l’a composé en hommage à son père. Il a même poussé jusqu’à mettre son portrait sur la pochette de son disque. On y voit un assis dans un parc un monsieur très élégant : costard, cravate, chapeau, cigare à la bouche et large sourire. En même temps, il a de quoi : de tous les albums de son fils, c’est celui avec sa tête sur la pochette dessus qui a vendu le plus de disques.

J’ai envie de commencer en laissant Horace Silver vous expliquer l’origine de ce morceau, et comment lui est venu l’idée du nom. On enchaînera avec la version originale, et je vous raconterai ensuite plus en détails les origines de Song For My Father :

  1. Horace Silver – Song For My Father (1964)

D’après ce que raconte Horace Silver dans son autobiographie, il n’a pas cherché particulièrement à composer une chanson pour son père, ce choix s’est plutôt imposé à lui. Il a d’abord été inspiré par un voyage au Brésil. Il était l’invité du pianiste Sergio Mendes. Horace Silver a alors découvert le gigantesque carnaval de Rio : les défilés, les costumes, les groupes de sambas, les immenses sections rythmiques et la musique qui ne s’arrête jamais de résonner dans les rues. Lorsqu’il rentre aux Etats-Unis, ce rythme entêtant de la bossa nova tourne en boucle dans sa tête. Il décide alors d’écrire un morceau qui utilisera ce concept rythmique. Quelques heures plus tard, il avait écrit ce qui semblait être une bossa nova. Le rythme sonnait effectivement très brésilien, mais pas la mélodie. Inconsciemment, il s’était inspiré d’une chanson que lui jouait son père lorsqu’il était petit. Le père d’Horace Silver est né sur les îles du Cap Vert, l’ancienne colonie portugaise au large des côtes africaines, où se croisent les cultures africaines et européennes. C’est cette musique qu’Horace Silver a entendu pendant toute son enfance. Son père jouait du violon, de la guitare, de la mandoline, sans savoir lire une seule note de musique, et il a transmis à son fils de très anciennes chansons traditionnelles du Cap Vert. Aussi, quand Horace Silver reconnaît dans sa composition les influences musicales de son père, c’est tout naturellement qu’il décide de l’appeler Song For My Father. Il avait compris que la musique de son père était toujours en lui, mais que c’était la musique brésilienne qui lui avait permis de se l’approprier dans son art.

Horace Silver forme donc un nouveau quintet pour enregistrer le 20 octobre 1964 Song For My Father, dans les studios du très reconnu Rudy Van Gelder. Horace Silver explique dans son autobiographie qu’une fois enregistré Song For My Father, il n’a plus jamais fait un concert sans jouer ce morceau.

Très rapidement, les reprises tombent les unes après les autres, d’artistes très prestigieux. Et comme souvent, la mélodie trouve également une nouvelle vie lorsque des paroles y sont ajoutées. Ainsi, les chanteuses et chanteurs peuvent également se l’emparer. Les paroles permettent de développer et d’ancrer le message de la chanson, sans pour autant altérer la liberté d’improvisation. Nous allons maintenant écouter la version de Leon Thomas, enregistré en 1969 dans son album « Spirits Known And Unknown ». Sur la pochette, on peut lire « nouvelles frontières vocales ». Et ce n’est pas de la publicité mensongère. Sur cette chanson qui est déjà à la croisée d’influences du monde entier, Leon Thomas ajoute sa touche personnelle : il fait un solo en utilisant la technique du Yodel. C’était une habitude de Leon Thomas de reprendre à sa manière cette technique de chant venue des campagnes allemandes ou suisses. Donc je récapitule : nous avons du jazz, du blues, de la bossa nova, de la musique traditionnelle cap-verdienne et une technique ancestrale de Bavière, le tout réuni dans cette version de Song For My Father, par Leon Thomas :

  1. Leon Thomas – Spirits Known And Unknown (1969)
  2. Louis Hayes (feat. Gregory Porter) – Serenade For Horace (2017)

C’était un hommage à Horace Silver rendu par Louis Hayes en 2017. C’est une légende vivante du hard-bop, un courant des années 50/60 dont Horace Silver a été le leader. Le hard-bop s’opposait au Jazz Cool, qui était notamment joué par Chet Baker et Miles Davis à une époque. J’en avais déjà parlé dans l’épisode My Funny Valentine, et comme je vous le disais, Horace Silver ne mâchait pas ses mots dire tout le mal qu’il pensait de la côte ouest. Pour revenir à Louis Hayes, c’est un batteur qui s’est illustré dans de prestigieuses rythmique, aux côtés de grands noms comme Cannonball Adderley, Oscar Peterson, John Coltrane, Joe Henderson et bien sûr Horace Silver, qui lui a lancé sa carrière. C’est peut-être pour exprimer sa reconnaissance qu’il lui consacrait cet album hommage en 2017. A 80 ans, le batteur tient tranquillement la cadence de cette chanson qu’il connaît si bien. Pour le chant, il invite Gregory Porter, grande star actuelle du Jazz, pour une belle rencontre entre générations.

Pour la prochaine version, nous allons retrouver une instrumentale assez particulière, car le soliste n’est autre que James Brown. C’était assez rare, mais il arrivait que le parrain de la Soul se mette derrière le clavier de son orgue Hammond pour jouer des morceaux et des compositions personnelles. En tournée, il ne se séparait jamais de son orgue personnalisé. James Brown était un homme d’excès, ça se voyait sur son instrument : entièrement recouvert de simili-cuir noir, il y avait fait inscrire en grosses lettres rouges ses initiales et son surnom : « Godfather ». Et pourtant, une fois au clavier, il redevenait étrangement humble. Il faut dire qu’il reconnaissait lui-même qu’il n’était pas un grand organiste. On entend effectivement de légères approximations dans son jeu. Mais il aimait aller chercher des choses qu’il ne pouvait pas exprimer par lui-même. Il existe assez peu d’enregistrements de James Brown à l’orgue, mais on peut retrouver une version de Song For My Father enregistré dès 1965. Sans doute pour une question technique d’enregistrement, cette version a été divisée en deux parties, que nous allons maintenant écouter l’une à la suite de l’autre. Dans la deuxième partie, on entendra le solo de James Brown, non pas au chant mais à l’orgue Hammond.

  1. James Brown – James Brown Plays James Brown – Today & Yesterday (1965)
  2. Dee Dee Bridgewater – Love And Peace: A Tribute To Horace Silver (1995)

La grande classe de la chanteuse Dee Dee Bridgewater, pour une reprise en l’honneur d’Horace Silver, et en sa présence. En effet, sur cet album de 1995 « Love And Peace », en hommage au pianiste, c’est Horace Silver lui-même qui s’invite au piano pour deux morceaux, dont évidemment Song For My Father. On dirait que le compositeur ne veut pas prêter sa chanson. Il disait qu’il la jouait à chaque concert qu’il donnait, jusqu’à sa disparition en 2014. Horace Silver a été une influence très importante pour beaucoup de pianistes.

Avec lui nous venons donc de contempler une page de l’histoire du Jazz, et j’espère que cela vous a plu et que vous avez appris des choses avec cet épisode. N’hésitez pas à me faire vos retours sur les réseaux sociaux. Et si ça vous a plu, alors je vais une nouvelle fois vous expliquer tout ce que vous pouvez faire pour m’aider à partager le podcast. Vous pouvez vous abonner à Version Standard depuis votre application de podcast. Et si vous êtes sur iTunes, alors au passage vous pouvez laisser un avis avec quelques étoiles. Sinon, Version Standard, c’est aussi un site internet avec une newsletter, toutes les infos sur le podcast et les playlists complètes de chaque épisode.

Merci d’avoir écouté Version Standard, je suis ravi de vous avoir accompagné que ce soit dans les transports, votre jogging, votre repassage ou votre vaisselle. Merci particulièrement à Papa pour tous les conseils et encore bonne fête !

Pour la dernière version aujourd’hui, nous allons écouter la reprise de Victor Wooten. C’est un bassiste virtuose avec une technique assez incroyable, très spectaculaire. Je vous mettrai une vidéo sur VersionStandard.fr, mais avant d’aller voir, profitez de sa version très funky de Song For My Father.

 

Je vous donne maintenant rendez-vous pour le prochain épisode, c’était Version Standard, à très bientôt !

  1. Victor Wooten – Palmystery (2008)

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