April In Paris

Il y a beaucoup de standards qui parlent du mois d’Avril, ce moment où le soleil refait surface et l’où tout paraît de nouveau possible. Il y en a un particulièrement qui constitue une ode à ce moment de l’année et plus particulièrement dans la plus belle ville du monde : Paris.

Pour écouter April In Paris, j’ai voulu vous raconter en parallèle l’histoire du Jazz à Paris, capitale culturelle qui a connu l’arrivée du swing dès les années 20. Paris est chargée de cette Histoire, de visites prestigieuses, de clubs intimistes et de concerts mémorables. Dans cet épisode, nous allons nous promener dans Paris pour revenir sur les plus beaux lieux du jazz parisien.

En parallèle, nous écouterons comme d’habitude six versions de cette composition pour reparcourir en un morceau la diversité du genre. De Count Basie à Sinatra, en passant par Louis Armstrong & Ella Fitzgerald, nous écouterons ces grandes stars du Jazz chanter leur amour pour Paris.

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La playlist de l’emission :
  1. Count Basie – April In Paris (April in Paris, 1955)
  2. Ella Fitzgerald & Louis Armstrong – Ella & Louis (1956)
  3. Charlie Parker – Charlie Parker with Strings (1949)
  4. Eroll Garner – Concert By The Sea (1955)
  5. Frank Sinatra – I’ve Got A Crush On You (1954)
  6. Kurt Elling – The Messenger (1997)

Vous pouvez réécouter la playlist avec des versions bonus sur Soundsgood :

Retranscription de l’episode 14 : April In Paris

Bonjour à toutes et à tous, aujourd’hui dans Version Standard, je vous emmène écouter Paris. Je vous propose une ballade dans la capitale, pour écouter notre standard du jour : April in Paris. Et pour cette occasion, nous allons parcourir celle qu’on appelle la ville de l’amour, la plus belle ville du monde, la capitale de la mode ou plus simplement Paname. La ville-lumière nous en met plein les yeux et les oreilles…

*bruit de métro + accordéon* – *April in ParisMichel Legrand*

Aujourd’hui, c’est un tout autre Paris que je veux vous faire entendre, en marchant dans les pas de l’histoire du Jazz en France. C’est à Paris que le Jazz y acquiert sa popularité puis ses lettres de noblesse. Si aujourd’hui le jazz se terre dans quelques caves reculées voire dans d’anciennes gares désaffectées, il fut un temps où il avait pignon sur rue, dans les quartiers de Pigalle ou de Montmartre. C’est sans doute Joséphine Baker qui en est une première ambassadrice en traversant l’Atlantique en 1925.

*Joséphine Baker – J’ai deux amours*

Elle fut la tête d’affiche d’un spectacle nommé « Revue Nègre », une mise en scène d’artistes noirs, un charmant concept qui a au moins eu le mérite de diffuser la culture Jazz encore très méconnue dans la métropole à cette époque. Pendant ce temps à Londres, Duke Ellington faisait découvrir aux voisins anglais le Jazz de la Nouvelle-Orléans. Dans son groupe, il y avait une forte tête qu’il a fini par mettre dehors après une énième bagarre dans un hôtel. Il s’agissait de Sidney Bechet.

*Sidney Bechet – Petite Fleur*

Charmé par son vibrato si particulier au saxophone ou à la clarinette, Paris commence à swinguer de mieux en mieux au rythme de cette première vague de jazz qui l’engloutit progressivement.

Avant de continuer, je vous propose d’écouter une première version de notre standard du jour April In Paris. Ce morceau a été composé en 1932 par Vernon Duke pour une comédie de Broadway intitulée « Walk A Little Faster ». On y suit les aventures d’une choriste américaine qui par un concours de circonstances bien étranges se retrouve débarquée à Paris. Le show lui-même n’a pas très bien fonctionné, mais la chanson est restée, notamment grâce à la reprise de l’orchestre de Count Basie, que l’on écoute tout de suite, avant d’aller marcher ensemble dans Paris.

  1. Count Basie – April In Paris (April in Paris, 1955)

Nous voici sur les quais de Seine. Un grand soleil attire les promeneurs, qui marchent sur les pavés au bord de l’eau, à la recherche d’un peu de fraîcheur et de calme. Un peu plus loin, un saxophoniste et un guitariste échangent quelques notes pour un concert impromptu. Ces quais sont très convoités par les artistes de toutes sortes. Les musiciens profitent de l’acoustique et de la beauté du lieu, les peintres déposent leurs chevalets pour profiter de la vue, et les réalisateurs ajustent leurs caméras pour filmer leurs acteurs dans ce lieu enchanteur. Ici, on pourrait presque entendre chanter Gene Kelly, un américain à Paris…

Gene Kelly – Our Love Is Here To Stay, Un Américain à Paris :

 

Nous allons maintenant traverser le Pont Neuf pour nous rendre sur le Parvis de Notre Dame. Reprenons la route, et le fil de notre émission. Quand Count Basie reprend April In Paris en 1955, il influence immédiatement toute la sphère Jazz et propulse à lui seul ce morceau repêché à Broadway en standard de Jazz. Count Basie était une référence, il est même venu en France dans les années 50, on a pu le voir au Caveau de la Huchette, un petit club de Jazz pas très loin d’ici qui existe encore depuis 1946. La deuxième vague de Jazz qui a envahi Paris est survenue à cette époque après la deuxième guerre mondiale, et c’est d’abord au Caveau de la Huchette que se retrouvent les stars américaines : Lionel Hampton, Art Blakey ou encore Bill Coleman. Un peu plus tard, dans les années 50, un Miles Davis tout jeune arrive lui aussi à Paris. Il tombe amoureux fou de Juliette Gréco, mais vous connaissez déjà l’histoire si vous avez écouté l’épisode sur « Kind Of Blue »… Aux côtés de Miles Davis, tous les grands musiciens de Jazz découvre avec grand plaisir une scène française de Jazz bouillonnante, avec un public averti, des clubs de plus en plus nombreux et des programmateurs ambitieux prêts à accueillir tous les Jazz, y compris les plus avant-gardistes.

Ce n’est pas un hasard si April in Paris devient aussi célèbre à partir des années 50… Il devient l’hymne du rêve des américains de traverser l’Atlantique pour aller se produire dans les mythiques salles parisiennes, à Pleyel ou à l’Olympia… C’est exactement ce qu’a fait la grande Ella Fitzgerald entre 1957 et 1962, suivie quelques années plus tard par Louis Armstrong. Au micro des reporters français, on l’écoute enfin expliquer sa vision de la musique à l’Europe…

Extrait interview Louis Armstrong :

 

Le Jazz continue d’envahir le vieux continent, notamment grâce à deux magnifiques ambassadeurs : Louis Armstrong et Ella Fitzgerald :

  1. Ella Fitzgerald & Louis Armstrong – Ella & Louis (1956)
  2. Charlie Parker – Charlie Parker with Strings (1949)

C’était Charlie Parker, ce fameux album enregistré avec un orchestre en 1949. Quelques mois plus tôt, Parker avait fait escale à Paris. J’ai retrouvé un article de l’époque écrit par un jeune journaliste français, un certain Boris Vian, qui écrivait :

« Du 8 au 15 mai, Salle Pleyel, l’organisation ‘Jazz Parade’ et le Hot-Club de Paris préparent une Semaine du Jazz qui promet d’être importante. On y prévoit en effet Charlie Parker, le génial saxo alto, créateur avec Dizzy Gillespie du style Be-Bop, Miles Davis, un trompettiste encore peu connu en France, mais très sensationnel, et Max Roach, un des deux meilleurs drummers actuels aux Etats-Unis. »

Bird débarque effectivement à Paris pour quelques concerts à la salle Pleyel. Il se rend aussi au club de Jazz Saint-Germain. Là-bas, on le supplie pendant une heure de participer à la Jam Session, il finit par s’exécuter pour un concert mémorable. Mais pendant son séjour en France, Bird a prouvé qu’il n’était pas parisiano-centré en allant jouer à Marseille puis à Roubaix, dans le Nord de la France.

Je vous propose de me suivre dans le triangle d’or du Jazz, dans le quartier du Châtelet. Aux alentours du Centre Pompidou et des Halles se trouvent trois clubs de toujours très actifs aujourd’hui. Ce triangle d’or est en fait une ligne très courte, puisque les trois clubs sont tous regroupés dans la même rue, sur à peine sur 100m de distance.

*Ben Sidran Quartet – Little Sherry (Bumpin’ At The Sunside, 2004*

Le Sunset Sunside ouvre en mai 1983. En quelques années, le Sunset s’impose comme un lieu de référence pour le Jazz. Il est composé de deux toutes petites salles, le Sunside en haut, et le Sunset au sous-sol. Sous la voûte et les pierres apparentes, on peut écouter les plus grands jazzmen dans des conditions intimistes. Face à un tout petit public, les musiciens peuvent se permettent de prendre des risques et d’expérimenter. Les sets peuvent alors durer des heures et se terminer très tard dans la nuit.

Juste à côté du Sunset, on trouve le Baiser Salé. En 1983 aussi, le lieu est transformé en club de Jazz. La programmation assume son éclectisme et une volonté de faire émerger de nouveaux talents dans tous les styles. Club de Jazz ou repère de musiciens jusqu’au bout de la nuit, le Baiser Salé défend fièrement sa diversité avec une couleur musicale plutôt fusion.

Un peu plus loin se trouve le Duc des Lombards :

*Bonsoir bienvenue au Duc des Lombards, ça va bien ? The A B C & D of Boogie Woogie !*

Le bar a été racheté en 1984 puis complètement refait pour ressembler au très chic club « Blue Note » de New York. D’ailleurs un Blue Note parisien existait dans les années 50, c’est ce club qui est reconstitué dans le film « Autour de Minuit » dont je vous avais parlé dans un épisode précédent. Le Duc des Lombards se veut être la 52ème rue parisienne, avec des concerts tous les soirs et une programmation sous la houlette du patron de TSF Jazz.

Notre prochaine version d’April in Paris est une version en Live et pas n’importe laquelle, celle du pianiste Erroll Garner et son célèbre « Concert By The Sea ». Ce concert a été enregistré en 1955, qui est décidément une belle année pour le Jazz. Eroll Garner se produisait en trio dans une petite église californienne transformée en base militaire  sur un vieux piano désaccordé… un militaire a trouvé sur place un enregistreur et a trouvé amusant de le mettre en marche pour le diffuser sur la radio d’un camp. Mais Columbia a racheté l’enregistrement pour le commercialiser, et ce disque fut le premier album de Jazz à dépasser le million d’exemplaires vendus. Voici la version d’April In Paris par le malicieux Eroll Garner :

  1. Eroll Garner – Concert By The Sea (1955)
  2. Frank Sinatra – I’ve Got A Crush On You (1954)

C’était évidemment Frank Sinatra, sa version d’April In Paris enregistré en studio. Il a fallu attendre 1962 pour que la France accueille « The Voice ». Mais ça valait le coup car Sinatra est alors au top de sa forme, le whisky n’a pas encore eu le temps d’altérer sa voix et son swing. Ce live a été enregistré à l’Olympia, et c’est Charles Aznavour qui se chargeait de l’accueillir :

*Frank Sinatra – Introduction by Charles Aznavour, Sinatra & Sextet Live in Paris (1962)*

Se termine ainsi notre visite de Paris. J’espère que vous aurez appris des choses, et que cet épisode vous a donné envie de vous rendre dans une cave pour déguster du Jazz et un verre de vin. Si cet épisode vous a plu n’hésitez pas à en parler autour de vous. Vous pouvez commencer par retrouver Version Standard sur Facebook et sur Twitter pour recevoir toutes les infos sur le podcast. Et si vous êtes sur iTunes, ce serait génial si vous pouviez déposer 5 étoiles sur le podcast, avec un commentaire pour me dire ce que vous pensez de Version Standard. Je suis facilement joignable pour toutes vos remarques et vos suggestions.

Pour terminer nous allons écouter une version plus récente d’April in Paris avec un autre crooner : Kurt Elling. Une version plus moderne et surprenante, une autre vision du printemps plus ancrée dans le groove et moins dans la légèreté.

Je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode, c’était Version Standard, à très bientôt.

  1. Kurt Elling – The Messenger (1997)