All The Things You Are

Pour ce deuxième épisode de Version Standard, on va parler d’une ballade romantique composée par Jérôme Kern en 1933 : All The Things You Are. On retrouvera encore une fois des grands noms du jazz avec Artie Shaw, Duke Ellington, Ella Fitzgerald, mais aussi une apparition de Michael Jackson.

A l’origine, Jerome Kern l’avait écrite pour un show présenté à Broadway. Mais le moins qu’on puisse dire c’est que le spectacle n’a pas marqué les esprits. Après la première représentation, les critiques étaient tellement mauvaises qu’il n’y avait plus que 20 personnes dans la salle le lendemain.Pourtant, contre toute attente, la chanson est devenue un standard.

La playlist de l’émission :

  1. Dizzy Gillespie Sextet & Charlie Parker – 1945
  2. Artie Shaw & His Orchestra – Moonglow, 1956
  3. Michael Jackson – Music&Me, 1973
  4. Duke Ellington – Piano In The Foreground, 1961
  5. Ella Fitzgerald – Ella Fitzgerald Sings The Jerome Kern Song Book, 1963
  6. Keith Jarrett Trio – Standards, Vol 1, 1985

Vous pouvez réécouter la playlist avec des versions bonus sur Soundsgood :

Retranscription de l’episode 2 : All The Things You Are

Bonjour à tous, merci de me rejoindre pour ce deuxième épisode de Version Standard. Aujourd’hui on va parler d’une ballade romantique composée par Jérôme Kern en 1933 : All The Things You Are. On retrouvera encore une fois des grands noms du jazz avec Artie Shaw, Duke Ellington, Ella Fitzgerald, mais aussi une apparition de Michael Jackson. Je vous propose de commencer par le duo des rois du Jazz Be-bop : Charlie Parker au saxophone et Dizzy Gillespie à la trompette. Le bebop, c’est un style de jazz caractérisé par un tempo très rapide et des structures complexes pour mettre au défi la virtuosité des musiciens.  Mais pour une fois, Le Dizzy Gillespie Sextet et Charlie Parker ralentissent un peu le temps d’une ballade. Voici leur interprétation instrumentale d’All The Things You Are :

Charlie Parker et Dizzy Gillespie

Dizzy Gillepsie Sextet avec Charlie Parker – 1945

All The Things You Are, première version de ce thème composé par Jerome Kern. En 1933, il l’avait été écrit pour un show présenté à Broadway. Le moins qu’on puisse c’est que le spectacle n’a pas marqué les esprits : après la première représentation, les critiques étaient tellement mauvaises qu’il n’y avait plus que 20 personnes dans la salle le lendemain. Pour son parolier Oscar Hammerstein II, c’était un désastre… Heureusement, peu après la clôture du spectacle, une bonne nouvelle allait le surprendre, et c’est sa fille qui lui a raconté. Elle était en résidence étudiante à Chicago, et on tapait à sa porte dès que la chanson de son père retentissait à la radio, ce qui était de plus en plus fréquent ! C’est comme ça qu’Oscar Hammerstein a appris que sa chanson était en train de devenir un standard. Comme souvent, c’est Frank Sinatra qui lui permet de passer à la postérité en la reprenant en 1944.

Pour la version suivante on va remonter quelques années en arrière en 1938, avec une des premières versions de la chanson, celle du clarinettiste Artie Shaw. La clarinette est un instrument qu’on croise assez peu en Jazz, mais Artie Shaw en était un fier représentant, tout comme Benny Goodman qui comme lui avait son propre big Band. Mais Artie Shaw n’aimait pas trop cette comparaison. Il avait tenté d’y mettre fin en déclarant : « Benny Goodman fait de la clarinette. Moi, je fais de la musique. » La voix qu’on va entendre sur cette version est d’Helen Forrest, une diva que les grand Big Band s’arrachaient dans les années 30. Swing, élégance et sections cuivre rutilante, voici les mots-clés de cette version d’All The Things You Are, menée par Artie Shaw.

Artie Shaw

Michael Jackson – Music & Me (1973)

Michael Jackson n’avait que 14 ans, et il livrait déjà sa version d’All The Things You Are dans son album « Music&Me » en 1973. Le jeune Michael traversait une période difficile. Déjà parce que sa voix était en train de se transformer,  et ça s’entend un peu. En plus, Michael rêvait d’interpréter ses propres compositions, comme Marvin Gaye et Stevie Wonder, mais les producteurs refusaient en bloc. En sachant tout ça, cette version prend une autre couleur. Derrière son groove assourdissant, elle se teinte de nostalgie voire de frustration que l’on peut percevoir dans certains éclats de voix.

Personnellement j’adore la version de Michael Jackson, qui fait quand même le pari de prendre complètement le contrepied de l’originale. Paradoxalement, Jerome Kern détestait qu’on se réapproprie son travail. Dommage pour lui, c’est exactement le destin que connaît un standard.

On va maintenant retourner dans une ambiance plus intimiste avec Duke Ellington. On voyait plus souvent The Duke derrière son piano en train de diriger son très célèbre orchestre de jazz de sa main de maître. Mais dans un album de 1961, Duke Ellington se met à nu. Accompagné simplement d’une contrebasse et d’une batterie, il met le piano au premier plan. Extrait de son album « Piano In The Foreground », All The Things You Are, Take 2, par Duke Ellington.

Duke Ellington – Piano In The Foreground (1961)

Ella Fitzgerald

Ella Fitzgerald, évidemment. Je sais que j’utilise souvent ce mot mais elle est vraiment incontournable. A chaque fois que je prépare une émission, j’écoute des dizaines et des dizaines de versions de la chanson. Non seulement elle est partout, mais en plus c’est toujours parfait. On risque donc de la croiser souvent dans l’émission. C’était impossible d’éviter sa version très jazzy d’All The Things You Are. Ella est l’interprète rêvée pour chanter sur cet arrangement. Sans avoir besoin d’en faire trop, sa voix repose parfaitement sur l’éclatante section cuivre arrangée par Nelson Riddle.

Il est temps de vous présenter la dernière version de cet épisode 2. Pour la fin de l’émission, je vous ai gardé un trio de jazz de très très grande classe, celui du pianiste Keith Jarrett. Accompagné de Gary Peacock à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie, ce trio a joué ensemble pendant plus de 25 ans. Keith Jarrett a connu un parcours musical très éclectique, de la musique classique au jazz-fusion en passant par la folk, il revient ici avec ce trio à l’essence du jazz, en reprenant les plus grands standards. On peut retrouver de nombreuses sessions de ces enregistrements réalisés à New York. Il y a notamment cette version extraordinaire d’All The Things You Are, qui va vous faire douter de tout ce que vous venez d’entendre aujourd’hui. J’adore Keith Jarrett, au-delà de sa surprenante manie de pousser toute sorte de bruits sur son piano, allant des murmures aux gémissements… Certains vous diront que c’est insupportable, d’autres que l’on peut y percevoir à l’avance ce que le pianiste cherche à exprimer… Mais le plus important c’est que cette dernière version est tout simplement géniale.

N’hésitez pas à me dire quelle version a votre préférence. Pour rappel nous avons eu l’exposition par Dizzy Gillespie et Charlie Parker, le retour dans les années 30 avec la clarinette d’Artie Shaw et son big band explosif, la fragilité camouflée par le groove de Michael Jackson, l’entrée dans l’intimité de Duke Ellington, la voix de velours d’Ella Fitzgerald dans un écrin de cuivre, ou alors la version du trio de Keith Jarrett qui va suivre.

Je vous remercie d’avoir écouté, j’espère que cet épisode vous a plu. Si c’est le cas, vous savez déjà que vous pouvez vous abonner partout pour avoir tous les épisodes et toutes les informations sur le podcast. Version Standard est sur iTunes, Facebook, Twitter et sur VersionStandard.fr. N’hésitez pas à partager le podcast auprès de tous ceux que ça pourrait intéresser. Merci beaucoup pour vos encouragements après le premier épisode. Ça fait chaud au cœur de savoir que vous êtes à l’autre bout du micro, c’est ce qui me donne envie de continuer et de vous proposer toujours plus de standards.

Voici maintenant la version d’All The Things You Are par Keith Jarrett et son trio.

Je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode. C’était Version Standard, à très bientôt.

Keith Jarrett – Standards, Vol 1, 1985